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La conception chrétienne de la vie éternelle
est originale par rapport à toutes les croyances en un au-delà : elle repose d’abord et avant tout sur
l’événement de la Résurrection du Christ et sur le témoignage de tous ceux qui ont vécu l’expérience de la rencontre avec le Ressuscité.
La conception chrétienne de la vie éternelle
repose sur la Résurrection du Christ
D’où nous vient cette idée de vie éternelle dans le christianisme ? Car ce n’est pas quelque chose de
propre au christianisme : dans beaucoup d’autres religions et dans beaucoup de philosophies, on trouve l’idée qu’il y a une vie après la mort : ce n’est pas nouveau. Le fait qu’actuellement, il y
ait des doutes ou des difficultés avec la vie éternelle est aussi quelque chose d’assez ancien : dès Épicure, Démocrite, dans les premiers siècles avant Jésus-Christ et après Jésus-Christ, il y
avait des personnes qui mettaient cela en doute. Mais dans le christianisme, il ne s’agit pas simplement d’une idée ou d’une conviction : on se base sur le fait qu’il y a un homme, Jésus-Christ,
qui est effectivement ressuscité. Il y a donc au départ le fait que, en l’an 30, un peu plus de cinq cents personnes, à différents moments, ont rencontré le Christ ressuscité. A partir de ce
point de départ, chaque fois que l’on pensera à la vie éternelle ou à la résurrection de la chair, il faudra regarder Jésus-Christ.
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La vie éternelle que la Bible nous décrit, c’est de connaître et d’aimer Dieu, et de vivre « avec lui », en communion avec lui. Être plongé dans la communion avec Dieu et partager sa vie.
La vie éternelle, c’est de connaître Dieu, d’être « avec lui », de vivre en communion avec lui
Mais de quoi s’agit-il exactement quand on
parle de la vie éternelle et notamment de la vie éternelle bienheureuse, du Ciel, du paradis ? Probablement que la manière la plus synthétique de l’exprimer, c’est de dire qu’il s’agit
d’entrer dans la vie de Dieu. On entre dans la communion les relations éternelles du Père, du Fils et du Saint Esprit. Déjà, quand on regarde Jésus, on voit qu’à l’Ascension, il s’élève au Ciel,
il est emporté ; de même, saint Étienne voit les cieux ouverts et Jésus debout à la droite de Dieu. Quand la Bible nous parle de la vie éternelle, elle prend souvent des expressions
comme « être avec Dieu » ; on a cela en Philippiens 1, 23 : « J’ai le désir de m’en aller pour être avec le Christ ». Il y a aussi l’idée de « voir
Dieu » à Corinthiens 13, 12 : « Actuellement, nous voyons comme dans un miroir, mais nous allons voir face-à-face », ou « connaître » en Jean 17, 3 : « La
vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, Toi le véritable Dieu ». Et il faut savoir que, dans la Bible, « voir » et « connaître » ne sont pas simplement, comme nous le
pensons actuellement, une opération purement intellectuelle : la connaissance est une union physique, une union des personnes, une union très profonde. L’idée de fond est donc que la vie
éternelle n’est pas un lieu, mais une communion avec Dieu. Saint Augustin dit : « Après cette vie, c’est Dieu lui-même notre lieu ».
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Cela suppose une transformation pour lui ressembler, pour devenir comme lui, pour rejoindre son être profond qui est l’amour et la relation. Au Ciel nous ne serons plus partiellement dans l’amour, nous serons à 100% relation d’amour à Dieu et aux autres et le fait d’aimer ainsi parfaitement nous donnera une joie parfaite.
Être plongé dans la communion avec Dieu nous transforme pour lui ressembler, devenir comme lui
Dans cette vie éternelle, dans quel état serons-nous ? Y a-t-il un changement pour nous ? Avant de parler de la résurrection de la chair, la première chose que je pourrais dire déjà est que le fait d’être plongé en communion avec Dieu fait que l’on est transformé. On est transformé pour ressembler à Dieu. Dans la première Épître de Jean au chapitre 3 verset 2, il est dit : « Nous lui serons semblables, parce que nous le verrons tel qu’il est ». On devient donc comme Dieu. On a aussi dans 2 Pierre 1, 4 que « nous devenons participants de la nature divine ». Là, les Pères de l’Église ont inventé des mots pour essayer de dire cela, par exemple : « divinisation » ou « déification » - le fait de devenir peu à peu comme Dieu. Mais que veut dire concrètement « devenir comme Dieu » quand on est des êtres humains ?
Comme l’être de Dieu c’est l’amour et la relation, nous serons transformés en amour et en relation
L’être de Dieu, l’essence de Dieu, c’est d’abord l’amour. Dans la première Épître de Jean, il est dit : « Dieu est Amour ». Tout cela, bien sûr, est au-delà des mots humains, mais les termes humains les plus proches pour le dire sont probablement que nous sommes « transformés en amour et en relation », rendus capables d’ouverture constante à Dieu et à nos frères, de relations faites de joie partagée, d’admiration, de communion dans l’amour. Bon, rien ne va être exact dans ce que je vais dire, mais on peut penser que les relations font probablement 20 à 30 % de notre existence dont 5 % qui est relation à Dieu là-dedans. Probablement, une manière de dire ce qui va se passer dans la vie éternelle, c’est que l’on deviendra 100 % relation.
Comme Dieu, dans la Trinité, est 100 % relation, on sera nous aussi 100 % relation d’amour à Dieu et aux autres
Tout cela a des conséquences très pratiques : par exemple, ce n’est pas impossible - je n’en sais rien mais ce n’est pas impossible - que, dans la vie éternelle, on sera à côté des personnes qu’on a eu le plus de mal à supporter sur Terre, car on sera tellement capable d’aimer, tellement aimant et dans l’amour que l’on voudra pratiquement avoir ces relations-là. On sera dans une vie de pardon et d’amour.
Le fait d’aimer parfaitement et sans fusion nous donnera la vraie joie
La conséquence d’une vie de pardon et d’amour vrais, est ce que l’on appelle habituellement la « béatitude », c’est-à-dire la joie : le fait d’aimer parfaitement, d’être complètement en relation et en amour sans aucun obstacle nous donne la joie, nous donne la béatitude. Dans le livre de l’Apocalypse, on a des sortes de descriptions de la vie éternelle ou, au moins, de la Jérusalem Cité céleste, donc de la fin de toutes choses. Apocalypse 7 et 20 : on voit qu’il n’y a pas d’obscurité, pas de larmes. Il y a vraiment ce que les Pères de l’Église et les théologiens appellent la béatitude. Une dernière chose peut-être sur ce point : cela nous montre bien, du coup, qu’il n’y aura pas de fusion, c’est-à-dire que l’on ne devient pas comme une goutte d’eau dans un océan (où l’on se perd en Dieu). Car pour aimer, il faut qu’il y ait deux pôles : il faut que l’on soit soi-même et que Dieu soit lui-même et que les autres soient eux-mêmes. Il n’y a donc pas une fusion. La meilleure image serait probablement celle de l’éponge qui tombe dans un lac ou dans un océan, qui se déploie sans jamais se perdre elle-même.
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4.
On comprend facilement que l’on ne peut pas entrer dans la vie éternelle et la communion parfaite avec Dieu sans une purification. Le purgatoire est nécessaire pour entrer dans cette communion parfaite grâce à Dieu qui nous purifie.
Le purgatoire est nécessaire pour entrer dans cette communion parfaite
Lorsque l’on parle de la vie éternelle bienheureuse, du Ciel mais il est clair qu’on ne peut pas entrer dans la vie éternelle et la communion parfaite avec Dieu et avec les autres sans une purification. L’enseignement catholique s’appuie – ou fait au moins référence – à 1 Corinthiens 3, à partir des versets 10 à 15 où Paul nous dit qu’il y a certaines choses que l’on construit dans la vie ici-bas, et ce que l’on construit passera comme à travers un feu. Bien sûr, Paul n’en parle pas vraiment, quand on lit très bien le texte du purgatoire, mais on s’appuie là-dessus pour avoir l’idée d’une purification. Probablement, l’idée biblique qui fonde vraiment le purgatoire, c’est l’idée de la prière pour les morts. On voit cela par exemple dans 2 Maccabées 12, 46 – on est donc encore dans l’Ancien Testament – où il est question de prier pour les morts. Or, les Pères de l’Église se sont dits : « Si on prie pour les morts, cela veut dire qu’il peut encore leur arriver quelque chose ».
La première Église priait pour les morts dans sa liturgie et sur les tombeaux des martyrs
Il n’y a pas, dans le Nouveau Testament, de
prière pour les morts ; il n’y a cela que dans l’Ancien Testament. Et la difficulté avec les protestants est que cela fait partie des Livres que les catholiques appellent deutérocanoniques,
et que les protestants appellent apocryphes : ils ne font pas partie de la Bible protestante. On a donc là une vraie difficulté œcuménique car on n’a pas un point d’appui commun pour cette
question-là. Et là, il n’y a pas vraiment de solution biblique mais il faut essayer de comprendre pourquoi l’Église primitive a commencé dès l’origine à prier pour les morts ; cela se fait
probablement à partir du Ier siècle, mais c’est sûr : aux IIe et IIIe siècles, on prie pour les morts.
On sait que beaucoup de liturgies du Ier ou du IIe siècle se passaient sur les tombeaux des martyrs. Il y a
donc déjà une première idée : on va commémorer le martyr. Et on a des textes d’Origène (donc au IIe siècle) et des textes de Cyprien (au
IIIe siècle) où il est question d’une prière pour les morts. Ce sont eux, ces deux auteurs-là, qui ont principalement introduit l’idée d’une sorte
d’étape de purification, un lieu de purification où les morts sont en attente, sont en préparation et, du coup, on peut à ce moment-là prier pour eux.
La communion des saints au sens large se retrouve dans Romains 5, 12 par exemple, ou dans d’autres textes de Paul, où on est membre les uns des autres. On peut appliquer cela au fait que l’on est
aussi membres de ceux qui sont passés dans la vie éternelle, car on ne considère pas qu’il y ait une immense différence entre la vie éternelle et ici-bas : on est déjà tous là-dedans.
Quand Jésus parle du « Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob qui n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants » il nous dit que les morts sont vivants. Mais cette doctrine du purgatoire
n’est pas quelque chose que l’on peut baser uniquement sur des textes bibliques explicites ; c’est plutôt une question de logique de fond.
Au purgatoire, ce n’est pas nous-mêmes qui nous purifions : c’est Dieu qui nous purifie
C’est l’un des problèmes qu’avait le protestantisme avec cette doctrine, à juste titre : si jamais c’est nous qui nous purifions par des efforts, par notre souffrance, cela ne va pas. Mais si simplement c’est l’amour de Dieu, la puissance de l’amour de Dieu et sa sainteté qui nous purifie, c’est dans la logique de la grâce.
Le purgatoire n’est pas un troisième pôle entre le paradis et l’enfer : c’est la porte d’entrée au Ciel
C’est rarement tout à fait clair pour beaucoup de catholiques mais le purgatoire n’est pas un troisième pôle intermédiaire. Soit on entre dans la vie éternelle bienheureuse, soit on va en enfer, mais le purgatoire n’est que la porte d’entrée, si l’on peut dire, pour la vie éternelle bienheureuse. Il n’y a pas de retour en arrière. Une fois qu’on est au purgatoire, on est déjà sauvé de manière définitive ; on est simplement en train de vivre ce passage qui fait qu’on y entre.
Il ne faut pas considérer non plus qu’il y a un temps au purgatoire
C’est quelque chose qui a malheureusement
beaucoup fait partie de certains enseignements catéchétiques ou de certaines dévotions : on parlait d’« années » au purgatoire ou de « durée du purgatoire ». Paul VI a
été très clair sur le fait qu’on ne peut pas compter un temps au purgatoire puisque l’on est déjà dans la vie éternelle et qu’il faut plutôt penser un état de purification qui, du point de vue
humain, peut être instantané, ou bien qui peut avoir une durée mais qui, pour les personnes qui sont en train de le vivre, peut être instantané. Du coup, cela aide à comprendre que l’on n’est pas
en train de vivre des sortes de vies parallèles dans d’autres lieux ; c’est plutôt comme le pédiluve pour entrer dans une piscine. C’est-à-dire qu’on passe par là. Et l’idée sous-jacente est
vraiment de prendre au sérieux la sainteté de Dieu. Quand on entre en contact avec la sainteté de Dieu, il nous transforme. À un moment donné, je ne peux pas dire beaucoup plus car il n’y a pas
vraiment de textes bibliques qui peuvent permettre d’aller plus loin que cela.
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L’enfer est le contraire de la vie éternelle bienheureuse qui était amour et communion : c’est un enfermement sur soi qui entraine un manque profond de cette communion pour laquelle nous sommes faits, et qui devient une réelle souffrance. Dieu ne veut pas l’enfer qui n’est créé que par notre refus : Dieu veut que tous les hommes soient sauvés librement, mais Il respecte infiniment la liberté de l’homme
Enfin, l’enfer existe même si actuellement, on a beaucoup de mal avec cette idée de l’enfer
Nos contemporains ont du mal avec l’idée d’enfer car Dieu est infiniment bon, et cette idée d’un lieu de souffrance et de ténèbres leur paraît être un peu mythologique. Mais il faut voir d’abord, que c’est une idée très biblique. Par exemple, dans Matthieu 25, on a le Jugement dernier où l’on voit de manière finalement assez claire – même si ce ne sont que des images – que certains sont sauvés et d’autres, en conséquence de ce qu’ils auront vécu, des actes qu’ils ont posés durant leur existence, vont à une forme de perte. Il y a beaucoup d’images sur des « pleurs et des grincements de dents » (par exemple Matthieu 13, 42) ou un « feu éternel » aussi (dans Matthieu 25, 41) ou un « étang de feu » (Apocalypse 20, 14). En 2 Thessaloniciens 1, 9 où il est dit que ces personnes qui sont perdues sont « châtiées d’une perte éternelle, éloignées de la face du Seigneur et de la gloire de sa force ».
L’enfer, en fait, c’est le contraire de la vie éternelle bienheureuse qui était amour et communion
C’est la perte de Dieu, la rupture avec Dieu, la perte des autres et la rupture avec les autres, c’est cela la souffrance. La souffrance n’est pas forcément une forme de punition active de la part de Dieu, mais c’est plutôt que nous sommes profondément faits pour l’amour et la communion avec Dieu et les autres ; et quand, pour la vie éternelle, on ne l’a pas, on est dans une réelle souffrance.
L’enfermement sur soi et le manque profond de communion devient une réelle souffrance
En français d’ailleurs (même si cela ne marche pas dans toutes les langues), le mot « enfer » est très proche du mot « enfermement » ; il y a donc une sorte d’enfermement sur soi qui fait que, d’ailleurs comme la vie éternelle, on commence déjà en partie à le vivre sur Terre. C’est-à-dire que sur Terre, on vit déjà la communion avec Dieu et avec les autres et on vit déjà des formes d’enfer et de rupture ; et il y a un moment – le moment de notre mort – où cela devient définitif.
Il faut bien comprendre que Dieu ne veut pas l’enfer, qui n’est créé que par notre refus
Dieu ne veut pas directement l’enfer : le Seigneur veut que personne ne périsse – je cite 2 Pierre 3, 9 ou bien dans 1 Timothée 2, 4 : « Lui – donc Dieu – qui veut que tous les hommes soient sauvés ». Donc la volonté de Dieu, c’est que tous les hommes soient sauvés. Mais c’est nous qui avons la possibilité de créer l’enfer. L’enfer, dans un sens, a été créé par les hommes.
On est là face au mystère de la liberté de l’homme
La foi chrétienne est probablement, parmi toutes les religions et toutes les philosophies, celle qui a le plus de respect pour la capacité de la liberté humaine. Dans un sens, il n’y a pratiquement que le christianisme qui pense que l’homme est capable librement de poser des actes qui vont avoir une valeur aussi permanente et qui peuvent aller contre notre bonheur, contre notre nature. Dans beaucoup de philosophies, il est impossible de vraiment aller contre notre nature ou de vraiment choisir contre notre bonheur. Nous, nous avons cette perception révélée par la Bible que nous sommes capables de faire cette chose totalement mystérieuse : c’est de dire non à quelque chose qui est vraiment notre bonheur.
Au moment de la mort, Dieu se propose à nous
Après, il y a une question qui peut peut-être
se poser : n’a-t-on pas une sorte de dernière chance au moment de notre mort ? Beaucoup de spirituels et beaucoup de théologiens pensent ainsi. Bien sûr, les actes que l’on pose pendant
notre vie vont avoir une vraie conséquence, mais au moment de notre mort, mystérieusement, Dieu se propose à nous. On a de nouveau la possibilité de prendre position. Mais en même temps, je pense
que même dans ces cas-là, il faut vraiment comprendre que notre vie est sérieuse, c’est-à-dire que les actes que l’on a posés pendant notre vie sont sérieux. Dans un sens, il y a donc une sorte
de pli qui est pris, qui fait qu’il va être plus difficile d’être en incohérence avec soi-même et de dire oui à Dieu si on a dit non à Dieu pendant toute sa vie. Même si la grâce de Dieu et
l’amour de Dieu sont plus forts que tout : il peut se reproposer à nous. Je sais que, pastoralement, j’ai vécu deux ou trois situations où je me suis dit : « Je comprends qu’il est
possible de dire non à Dieu ». Ce sont des personnes qui, sur leur lit de mort, ont refusé de pardonner à un proche. Cela me semble le plus proche, humainement, de ce qui peut être un non à
Dieu définitif. Car, quand on refuse de pardonner au moment de notre mort, en fait, cela veut dire que l’on refuse la vie éternelle avec cette personne. Et refuser la vie éternelle avec cette
personne est une manière d’opposer un refus définitif ou une fermeture définitive à l’amour et à la relation qu’est la vie éternelle. Donc c’est peut-être une manière de comprendre comment cela
peut éventuellement être possible.
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La résurrection de la chair est un point clé et capital pour la foi chrétienne. Le seul accès que l’on a à cette réalité, c’est encore le corps de Jésus ressuscité et l’enseignement de saint Paul qui invite à imaginer le rapport entre une semence et une plante. Il ne s’agira pas d’un autre être, nous serons le même être, mais de manière très différente. On ne sait pas dire grand-chose, mais on sait que notre identité sera conservée même si c’est dans le cadre d’une réalité absolument transfigurée.
La résurrection de la chair est un point clé et capital pour la foi chrétienne
Pour le moment, nous avons évoqué la situation de l’homme dans la vie éternelle - pour ce que l’on peut en connaître d’après la Bible et la foi catholique. Mais il y a aussi un point qui est totalement unique, c’est la résurrection de la chair dans la foi chrétienne. C’est-à-dire que, non seulement la dimension spirituelle qui est en nous vivra une communion - ou une absence de communion - avec Dieu et les autres pour l’éternité, mais même notre corps, notre chair se trouvera dans cette vie éternelle.
Le seul modèle et le seul accès que l’on a à cette réalité, c’est le corps de Jésus ressuscité
De même qu’on ne connaît la résurrection qu’à travers le Christ, le seul être humain qui soit ressuscité (il y a bien entendu aussi le cas de la sainte Vierge, mais les Évangiles ne nous disent rien sur son corps ressuscité), de même on ne connaît la résurrection de la chair à travers son corps ressuscité et les différentes apparitions et la manière dont les disciples ont pu toucher ou au moins voir où Jésus a mangé. On voit cela par exemple dans le récit de Luc 24, versets 29 à 42 où Jésus apparaît, puis il dit : « Regardez mes mains, regardez mes côtés, regardez mes plaies qui sont là. Donnez-moi à manger ». Et Jésus dit très clairement : « Je ne suis pas un fantôme ».
On ne sait pas grand-chose sur ce corps ressuscité
Que nous dit la Bible sur ce corps ressuscité pour nous ? Pratiquement le seul texte que l’on ait, à part ce que l’on voit chez Jésus, c’est 1 Corinthiens 15 à partir des versets 35 où Paul dit, d’une part, que poser la question de comment on sera est une question stupide, car on ne peut pas savoir. Mais il continue quand même après, il essaie d’expliquer.
Saint Paul dit quand même qu’il faut imaginer le rapport entre une semence et une plante
Nous sommes la semence actuellement et la plante est ce que notre corps sera dans la vie éternelle. C’est en fait une image qui ne dit pas grand-chose de très concret, sauf un point fondamental : entre la semence et la plante, entre la graine et la plante, il y a une identité de réalité d’individualité.
Il ne s’agit pas d’un autre être, c’est le même être, mais il est très différent
Quand saint Thomas d’Aquin commente ce texte de Paul, il dit essentiellement : « Il y a une identité de substance et une différence de disposition ». C’est-à-dire que c’est la même réalité dans un autre état. Il reprend quatre termes que Paul utilise dans 1 Corinthiens 15, 42 : « Ainsi en va-t-il de la résurrection des morts : on est semé dans la corruption, on ressuscite dans l’incorruptibilité ; on est semé dans l’ignominie, on ressuscite dans la gloire ; on est semé dans la faiblesse, on ressuscite dans la force ; on est semé corps psychique (ou « animal », cela dépend des traductions), on ressuscite corps spirituel ». Et Thomas d’Aquin essaie d’expliquer chacun de ces mots. « Incorruptible » veut dire que notre corps ne subira plus la mort et ne subira plus la souffrance ou la maladie. « Glorieux » veut dire que nous serons parfaitement beaux, parfaits. Il utilise le mot « claritas » en latin, la clarté : c’est-à-dire que l’on rayonnera de la gloire de Dieu. En fait, on sera transparent : Dieu pourra passer à travers... On aura un corps qui sera transparent à la présence de Dieu. La « force » est plus difficile à expliquer ; Thomas d’Aquin se reporte à la manière dont le corps de Jésus ressuscité peut faire beaucoup de choses que notre corps mortel ne peut pas faire : par exemple, traverser des portes, apparaître au milieu des disciples, être dans plusieurs lieux à la fois car il apparaît à plusieurs disciples à la fois... C’est cela, la force : on peut faire avec notre corps ce que l’on veut, il n’y a pas de limite. Le quatrième terme est « spirituel », un « corps spirituel » : là, c’est à mon avis le plus intéressant comme explication. En paraphrasant saint Thomas, il s’agit en gros d’un corps parfaitement uni à l’âme. C’est vrai que cela correspond à notre expérience : dans notre vie mortelle, on sait bien que nous sommes une unité « corps et âme », mais on voit aussi pas mal de tensions, entre notre corps et notre âme, entre nos désirs et notre volonté ; saint Thomas nous dit : « Ce qui se passe au Ciel, c’est que cette unité, qui n’est pas tout à fait réalisée sur Terre, est totalement réalisée : on est parfaitement un ». Il n’y a plus ces tensions. C’est cela, un corps spirituel : c’est un corps qui est parfaitement adapté, transformé et transfiguré par notre âme, par notre esprit.
On peut dire beaucoup de choses ... mais il faut aussi reconnaître que pour le moment, on tâtonne
Dans un sens, c’est plus facile de dire ce que n’est pas le corps ressuscité que de dire ce qu’il est. Je peux dire trois choses sur ce qu’il n’est pas – on est vraiment sûr de cela du point de vue de la foi catholique. Premièrement : il n’y a pas que l’âme qui est ressuscitée. Deuxièmement : il n’y a pas de réincarnation ou de métempsychose dans un autre corps. C’est vraiment notre corps. Et troisièmement : il faut éviter deux extrêmes concernant ce corps, le mien, celui qui ressuscite. Il faut éviter l’extrême de penser qu’il est une chair comme la nôtre. C’est là que c’est un peu délicat. On peut imaginer que la matière dans la vie éternelle est transformée, est transfigurée. Il ne s’agit pas d’une matière comme nous la connaissons. Est-ce une matière qui est purement énergie ? Je ne pense pas, mais je pense que ce serait une analogie, une bonne image, c’est-à-dire que la matière est transformée. Ce n’est donc pas une chair... ce n’est pas une viande ! Mais de l’autre côté, ce n’est pas un ectoplasme. Ce n’est pas simplement une sorte d’image, de projection mentale flottante : on est entre les deux. Et on ne sait pas ce qu’il y a exactement entre les deux.
Le plus important ce sont les trois enjeux de la résurrection de la chair et le premier concerne notre identité conservée
Premier enjeu : tout ce qui fait partie de notre identité est conservé. En fait, nous ressuscitons avec tout ce qui fait partie de notre identité. C’est probablement le critère. Du coup, on ne sait pas exactement ce que cela veut dire mais, au moins, ça c’est sûr. Par exemple, notre corps fait partie de notre identité. Et je pourrais faire un pas de plus – cela n’a jamais été défini par l’Église, mais les grands théologiens sont d’accord sur ce point : on ressuscitera homme quand on a été homme, et femme quand on a été femme, car être homme ou femme fait partie de notre identité. Dans le texte cité précédemment, « Dieu est le Dieu des vivants et non pas des morts », il y a un moment où Jésus dit : « On sera comme eux, comme des anges. On ne prendra ni mari ni femme ». Certains théologiens ont mal interprété ce texte en disant : « Si l’on est comme des anges, c’est que l’on n’a pas de sexualité, on n’a pas de sexe ». D’abord, on n’en sait rien, c’est-à-dire que l’on ne sait pas, à propos des anges, ce qu’il en est. C.S. Lewis, par exemple, est très clair sur le fait qu’il pense que toute la réalité est sexuée, les anges le sont donc aussi. C’est une hypothèse pour le moment, mais pour nous, ce que nous dit ce texte, c’est qu’on ne se mariera pas : on ne prend pas homme ou femme dans la vie éternelle. Cela ne dit pas que nous ne sommes pas hommes ou nous ne sommes pas femmes. Saint Thomas le dit très clairement, comme la plupart des grands théologiens : « On est homme quand on a été homme, ou femme quand on a été femme ». Par contre, après, on peut se poser plein de questions où il n’y a pas de réponses : sera-t-on noir quand on a été noir, ou blanc quand on a été blanc ? Aura-t-on des ongles ? Aura-t-on des cheveux ? Beaucoup de théologiens, surtout dans les temps antiques, qui se sont posé cette question ; et ce sont probablement des questions auxquelles il ne vaut mieux pas chercher une réponse pour le moment. Le plus important est de dire que l’on conserve tout ce qui fait partie de notre identité. Du coup, il y a une deuxième question à l’intérieur de cet enjeu.
Qu’en est-il, par exemple, si jamais je suis petit, moche et bête ? Est-ce que je ressuscite petit, moche et bête ?
Plus profondément, cela pose une vraie
question : quand on est porteur d’un handicap physique ou mental, qu’en est-il ? Je pense que là, de nouveau, on est plutôt obligé de prendre une sorte de critère de réflexion plutôt
que de donner une réponse toute faite : d’une part, il nous est assuré qu’ils seront dans le bonheur et que notre corps sera au maximum de sa perfection. Et d’autre part, il y a aussi des
choses que l’on a vécues sur Terre, qui peuvent faire partie de notre identité. Par exemple, saint Augustin, je trouve, est assez intéressant sur ce point-là, en disant : « Toutes nos
blessures disparaîtront au Ciel sauf les blessures des martyrs, car les martyrs ont vécu ces blessures en donnant leur vie pour le Christ et pour les autres ». Et je poursuivrai dans ces
termes en disant qu’il n’est pas impossible que certaines des souffrances que nous avons portées sur Terre au nom du Christ, au nom de l’amour, nous aient marqués, et marqués suffisamment
profondément pour que nous puissions continuer à les porter. Mais on les portera en étant réconcilié avec cela. Et je dirais que c’est la même chose pour le petit moche et bête : je pense
que la définition de la beauté que nous avons sur Terre n’est pas forcément celle du Ciel. C’est-à-dire que la beauté n’est pas forcément selon les critères des top-modèles : on voit bien,
sur Terre, que certaines vieilles femmes très ridées, marquées par l’âge, par les relations, par tout ce qu’elles ont porté, sont beaucoup plus rayonnantes que certaines top-modèles. Il n’est
donc pas impossible que ce qui va se passer au Ciel... Ce n’est pas qu’on deviendra comme Brad Pitt ou Claudia Schiffer, ce n’est pas qu’on sera comme les derniers top-modèles, on ne sera pas
forcément totalement transformé, mais peut-être très profondément réconcilié avec notre corps tel qu’il est. D’ailleurs, Jésus lui-même ressuscite avec ses blessures, en signe que ces blessures
qu’il a vécues pour les autres peuvent être encore là.
- 7.
Au delà des représentations impossibles à imaginer cependant, le dogme de la résurrection de la chair nous invite à ne pas faire n’importe quoi avec notre corps et du cosmos qui participera lui aussi d’une manière ou d’une autre au monde nouveau.
La résurrection de la chair nous invite à ne pas faire n’importe quoi avec notre corps
Il faut bien sûr se poser la question du sens de tout cela pour la vie présente. La résurrection de la chair, pour la vie présente, nous permet d’éviter deux extrêmes. Un premier extrême serait de rejeter notre corps dès ici-bas, dans le sens que, si nous ressuscitons avec notre corps, toutes les expériences physiques, corporelles, belles que nous vivons sur Terre sont déjà des anticipations du Ciel : sentir le vent sur la peau, le soleil sur la peau, sentir la terre au moment où on est en train de faire du jardinage, ou l’écorce d’un arbre, ou même l’amour, la caresse, l’amour physique, peuvent être des anticipations du Ciel, car on vit quelque chose de beau et de fort avec notre corps. Mais l’autre extrême, c’est justement de faire n’importe quoi avec notre corps. Un extrême, c’est de ne pas accorder d’importance à notre corps ; l’autre extrême, c’est d’en faire n’importe quoi. Car, si notre corps ressuscite, nous avons justement à le soigner et le protéger : pas de drogue, attention à la manière dont nous vivons notre sexualité... Tout ce qui est vécu ici-bas peut être une anticipation et, du coup, doit être pris avec sérieux, doit être pris comme étant, justement, cette anticipation. Et peut-être que la réconciliation avec son propre corps sur Terre fait partie de ces anticipations. Quand on peut se regarder dans un miroir et ne pas dire : « Aïe aïe aïe, je suis moche, encore une nouvelle ride et un nouveau cheveu blanc ! », mais quand on peut dire : « Quelle beauté le Seigneur a créée ! », dans certains cas, c’est un pas de réconciliation et une anticipation de la vie éternelle.
On peut espérer qu’il y aura une résurrection du cosmos tout entier
Pour beaucoup de théologiens classiques, il est à peu près clair qu’il n’y a pas de résurrection pour les animaux car ils n’ont pas d’âme et que, finalement, ce qui ressuscitera est ce qui est utile à l’homme. Mais bibliquement parlant, il est à peu près clair qu’il y aura une résurrection du cosmos tout entier. On voit en Romains 8 que le cosmos tout entier, la Création tout entière gémit dans les douleurs de l’enfantement et attend, elle aussi, la libération. Dans l’Apocalypse, on voit qu’il y aura la création d’une terre nouvelle et d’un ciel nouveau : c’est donc déjà la reprise des prophéties d’Isaïe. On peut donc penser qu’il y aura une résurrection de l’ensemble du cosmos et qu’à l’intérieur de ce cosmos, toute forme de réalité sera transfigurée. D’ailleurs, le pape François a récemment consolé un petit garçon ou une petite fille, en lui disant qu’il ne fallait pas qu’il crée une séparation définitive par rapport à son chien ou son chat, car la mort ne serait pas une séparation définitive. C’est vrai que l’on peut donc penser que tout ce qui fait partie du cosmos, d’une manière ou d’une autre, sera transfiguré dans la vie éternelle à un moment.
d'après le père Étienne Veto - aleteia.org
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