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Les premiers témoignages historiques de la Septante remontent au IIe siècle avant Jésus Christ. La Septante désignait alors la traduction grecque, réalisée un siècle plus tôt par 72 savants juifs, de la « Torah » juive. Le nom est ensuite élargi pour désigner l’ensemble de l’Ancien Testament traduit en grec dans les siècles suivants.
Les origines de la Septante constituent un sujet de recherche scientifique
Parmi les textes qui
parlent de la Septante, le plus important, qui néanmoins n’est pas simple à appréhender, est La lettre d’Aristée. Cette lettre, datée du IIe siècle avant Jésus Christ, est un document juif qui raconte comment la Loi des Juifs a été traduite de l’hébreu en grec par soixante-douze savants juifs venus à
Alexandrie vers le milieu du IIIe siècle avant JC, pendant le règne de Ptolémée II Philadelphe.
Ce texte se présente comme une lettre, mais il a plutôt un caractère apologétique, il cherche à défendre quelque chose. On apprend dans cette lettre qu’en Alexandrie, au
IIIe siècle avant JC, dans la ville récemment fondée par Alexandre en contexte hellénistique, le responsable de la bibliothèque
propose au roi de faire une traduction des Écritures juives en grec. Il ne s’agit alors que d’une partie de ce que l’on appelle, dans la culture chrétienne, l’Ancien Testament, à savoir les cinq
premiers livres de la bible juive, qui constituent le Pentateuque, ou plus précisément la « Torah » à une époque où le christianisme n’existait pas.
Le roi donne son accord et il demande d’envoyer quelqu’un à Jérusalem pour demander au grand prêtre d’envoyer une délégation de savants juifs en Alexandrie.
Septante pour septante-deux savants
Sont alors sélectionnés,
pour chacune des douze tribus d’Israël, six représentants. C’est ainsi que septante-deux (vocable usité en Belgique qui signifie soixante-douze en français) savants sont envoyés en Alexandrie
pour traduire la Torah. À leur arrivée, ces savants sont accueillis avec un banquet, puis commencent à traduire les cinq livres du Pentateuque, de manière indépendante. La traduction achevée en
septante-deux jours, les cinq premiers livres de l’Ancien Testament en grec seront accueillis sous le nom de Septante.
La Septante fait donc à ce moment-là uniquement référence aux cinq premiers livres de l’Ancien Testament dans leur version grecque, puisque seuls ces cinq livres ont été traduits en Alexandrie
selon La lettre
d’Aristée.
Par la suite, les autres livres de la Bible hébraïque (Prophéties, livres historiques, Sagesses, Psaumes, etc.) ont été traduits en grec, comme par exemple le livre des
Juges, le livre de
Jérémie et tous les autres livres de l’Ancien
Testament. Par extension, ces traductions plus récentes seront considérées comme des textes de la Septante.
Cela va plus loin encore, puisque plusieurs livres, comme le livre des Maccabées ou le livre de la Sagesse, absents du canon juif, et écrits directement en grec, sont aussi intégrés à la Septante. À partir du IIe siècle, le mot Septante ne désigne donc plus uniquement le Pentateuque mais l’ensemble de la bible grecque.
Plusieurs théories existent pour expliquer le caractère apologétique de la lettre d’Aristée
Selon elle en effet, les
72 traducteurs ont traduit indépendamment les uns des autres et sont arrivés à une unique traduction. Vraisemblablement, il s’agit de légitimer la traduction grecque de la Torah. Pour les juifs
de Terre Sainte, la Sainte Bible était rédigée en langue hébraïque, et la validité d’une traduction constitue un enjeu théologique important : le texte grec peut-il être considéré comme un
texte inspiré, s’agit-il encore de la Parole de Dieu ? Le récit de la traduction permet de donner ses lettres de noblesse à la Septante au moment où l’on commence à l’utiliser.
La traduction des cinq premiers livres, le Pentateuque, a été réalisée, d’après cette lettre, au début du IIIe siècle avant JC. Pour les autres livres on ne sait pas exactement, entre le IIIeavant JC
et le IIe siècle de notre ère ; on pense en particulier que l’Ecclésiaste a été traduit au IIe siècle, et il est tout de même considéré comme appartenant à la Septante.
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Puisque toute traduction est déjà une interprétation, il y a un problème de principe à traduire un texte sacré. En particulier, la Septante présente des différences nettes avec la version des Écritures utilisée par les juifs d'aujourd'hui, qui font ressortir des options théologiques. Cela interroge sur la valeur de ces options, et sur la date de leur apparition dans les textes.
La Septante n’est pas tout à fait identique aux textes hébraïques
Les textes originaux de
la Bible ont été écrits principalement en hébreu, parfois en araméen, et certains en grec.
Entre la Septante et la bible utilisée aujourd’hui par les juifs (ce que l’on appelle le texte massorétique), on observe plusieurs différences. Par exemple, dans la Septante les psaumes 9 et 10
sont regroupés en un seul, le livre de Jérémie est nettement
plus court et les chapitres ont un ordre différent ; d’autres au contraire, comme les livres de Job, et d’Esther, ont des suppléments.
L’ordre des livres constitue un enjeu théologique
De plus, en ce temps,
chaque livre était écrit sur un rouleau distinct. Quand, à partir du IIesiècle, on a collectionné les rouleaux
différents dans un « codex » (un livre composé de pages reliées ensemble), on a dû prendre des décisions concernant l’ordre des « livres » bibliques. L’ordre est différent
entre les deux versions, hébraïque et grecque. Une hypothèse pour expliquer cette différence est qu’elle traduit un enjeu théologique.
La version hébraïque suit l’ordre suivant : la « Torah », la Loi, puis les « Nevi’im », les prophètes, enfin les « Ketouvim » - d’où le mot « Tanakh » qui
regroupe les initiales des trois parties, les autres écrits. La « Torah » parle du don de la Loi de Dieu, les prophètes en sont les médiateurs, tandis que dans les autres écrits (comme
le livre des Psaumes), on lit la réponse
humaine à la Loi divine.
Dans la Septante, le récit commence aux origines : la Création, et l’histoire primitive du peuple israélite ; au milieu se trouve le présent,
les Psaumes, la louange, et les
prophètes sont placés à la fin. Cet ordre vient peut-être d’une influence chrétienne, car les prophètes sont considérés comme annonceurs de la venue du Christ, et ils représentent ainsi le futur
qui sera réalisé par Jésus. L’ordre des livres de la Septante propose ainsi une ouverture vers l'espérance chrétienne.
Il y a une théologie de la Septante
Il est légitime de se
demander si les traducteurs ont introduit une théologie particulière dans le texte. En effet, il y a encore d’autres différences claires entre la Septante et les textes hébraïques.
Par exemple dans la Genèse, il est dit dans le texte massorétique que Dieu acheva ses œuvres au septième jour, tandis que la Septante affirme que Dieu acheva ses œuvres au sixième jour. En
contexte juif, le septième jour est un jour de repos complet, donc la seconde version est plus décisive. Cependant, on ne sait pas si ce sont les traducteurs qui ont modifié le sens du texte, ou
si le texte sur lequel ils travaillaient avait déjà ce sens-là. En effet, il y avait alors plusieurs manuscrits des livres du Pentateuque, et il est bien possible que les traducteurs aient
utilisé un original différent du texte hébreu qui nous est parvenu. Nous ne sommes pas capables de dire quel est le texte originel.
Dans l’Exode 4,24, il y a un
passage très problématique : le texte hébraïque affirme que Dieu aborda Moïse et chercha à le faire mourir. Quelqu’un a sans doute refusé ces termes et a affaibli le texte, ce qui a conduit
à remplacer « Dieu » par « un ange du Seigneur » dans la Septante ; ainsi ce n’est pas Dieu directement qui aurait cherché à tuer son prophète.
Pour autant, est-ce le traducteur grec qui a changé le sens, ou la modification avait-elle déjà été apportée dans le texte utilisé pour la traduction ? Il faut être prudent avant d’affirmer
que c’est la Septante qui a modifié le sens.
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Le christianisme s’est largement approprié la Septante, d’abord puisque les évangélistes ont travaillé en grec ; ensuite parce que la théologie de la Septante correspond bien au message chrétien. À tel point que certains juifs se sont vraisemblablement détournés de cette traduction pour en réaliser une autre plus proche du texte hébraïque.
La Septante a servi de référence pour la rédaction du Nouveau Testament
Pour les premiers chrétiens, la Septante fut très importante car les évangiles ont été écrits presque tous en grec et comportent de nombreuses allusions à l’Ancien Testament, pour lesquelles la traduction grecque a été utilisée. Ainsi la Septante est considérée comme la première bible des chrétiens. C’est probablement pour cette raison que certains juifs se sont opposés à la Septante, bien qu’elle fût à l’origine une entreprise juive. Les juifs ont cessé d’utiliser cette traduction, précisément parce qu’elle était utilisée par les chrétiens. En réaction, des révisions furent apportées aux Ier et IIème siècles à la traduction grecque par des savants juifs. La traduction de la Septante étant considérée comme trop interprétative, la révision d’Aquila par exemple aboutit à une nouvelle traduction beaucoup plus littérale.
La traduction grecque se prête bien à l’interprétation messianique
En particulier cette
nouvelle version évite le mot grec « Christos », qui est très important pour le Nouveau Testament, et qui se trouvait dans la Septante. En effet, il avait été utilisé pour traduire le
mot « Messiah », l’« oint de Dieu », et il est évité par Aquila car il est lourd de sens dans le christianisme, et d’autres mots plus neutres sont cherchés à la place. De
manière générale, des résistances subsisteront parmi les juifs aux traductions, notamment la Septante, et ils privilégieront le retour aux textes hébraïques.
Une autre marque de l’influence de la traduction grecque de la Septante se trouve dans Matthieu 1,23 : « la vierge sera enceinte ». Il s’agit d’une référence à l’Ancien Testament, dans lequel le mot « ‘almah
», jeune fille, a été traduit en grec par « parthenos », qui signifie jeune fille ou vierge. En se référant à la Septante, les auteurs néo-testamentaires ont utilisé ce dernier sens, ce
qui fait de ce texte un texte messianique.
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Puisque leurs genèses respectives sont liées, on peut s’interroger sur l’influence du christianisme sur la Septante. Cette dernière, un temps considérée comme secondaire et suspecte, fait partie des plus anciennes sources historiques, à une époque où les écrits étaient déjà multiples. La Septante présente donc un intérêt à la fois pour l’Église et la recherche car elle apporte un éclairage original et s’ancre dans une période complexe.
L’intérêt de la Septante comme objet de recherche a été renouvelé avec la découverte de Qumrân
Lorsqu’on a commencé à
étudier la Septante de manière scientifique au début du XXesiècle, et que l’on observait les
différences d’avec le texte hébraïque, la conclusion était presque systématiquement de dire que la Septante était secondaire, parce qu’elle avait modifié le texte et était donc de moindre
valeur.
À partir de la seconde moitié du XXe siècle, et en particulier grâce à la découverte de nombreux manuscrits hébreux à Qumrân,
on sait qu’au début de notre ère, entre les IIesiècles avant et après JC, il y avait déjà
une grande pluralité de textes. Par exemple, le livre de Jérémie est presque 3000 mots plus courts dans la Septante que le texte hébraïque : on a d’abord conclu que les traducteurs avaient supprimé une partie du texte originel.
À Qumrân, nous avons trouvé un texte en hébreu qui est presque identique au texte grec, également plus court que le texte que nous connaissons du livre
de Jérémie. La Septante n’est
donc pas nécessairement une version secondaire.
Au contraire, car l’ensemble de textes hébraïques le plus complet que nous ayons pour le texte massorétique date du XIe siècle, tandis que les codex grecs les plus complets remontent au IVe ou
Ve siècle. Ils sont plus anciens que les textes hébraïques, ce qui rend la Septante très importante pour la recherche
puisqu’elle nous donne des textes matériellement plus anciens que les textes hébraïques bien qu’elle soit une traduction.
La Septante a été précieuse dans la vie de l’Église
La Septante a aussi été à
l’origine de la première traduction latine de l’Ancien Testament, la « Vetus Latina », qui est plus ancienne que la « Vulgate » de saint Jérôme, qui est une traduction directe
des textes en hébreu.
Si par la suite c’est la Vulgate qui a servi de référence, les pères grecs de l’Église, comme les évangélistes, ont utilisé la Septante pour citer l’Ancien Testament.
De plus, les textes dits « deutérocanoniques » de l’Ancien Testament, c’est-à-dire canoniques pour l’Église catholique, mais non reconnus par le judaïsme puis le protestantisme, tels
que le livre des Maccabées ou le livre de
Judith, ont été écrits en grec. Le livre des Maccabées, en particulier, a une grande importance théologique, car il mentionne la résurrection des morts.
La Septante présente un double intérêt comme source et référence
La Septante a
donc été la première source du christianisme, et continue de constituer une référence pour la recherche scientifique car les textes témoignent d’un texte parfois plus ancien que les textes
hébraïques disponibles.
d'après Hans Ausloos - aleteia.org
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