1.
On est religieux. Ou pas. Il faut choisir.
Religieux, il est normal d’accepter un cadre symbolique, une institution, fréquemment des manières de voir le monde et de constituer des groupes endogames qui donnent une identité. Cela peut
rendre le dialogue impossible avec d’autres, surtout lorsque l’homme religieux qui accepte un absolu se croit facilement en charge de défendre cet absolu contre tous les « impurs » et toutes les « impuretés ». surtout lorsqu’il pense que cet
absolu comme universel et cherche à l’imposer aux autres.
Rester enfermé sur son groupe sans ouverture
sur les autres est un comportement dangereux
Dans certaines cultures comme au Moyen-Orient par exemple, il est quasi impossible de se marier dans un
groupe extérieur à sa culture et sa religion. On en reste à son univers limité et par là, on se rend incapable de rencontrer les autres. Ne rencontrer que des gens qui pensent comme soi enferme.
Le monde moderne a ceci de positif qu’il oblige à se confronter à l’autre. Il nous montre qu’il est possible de penser différemment. Sans cette ouverture, chacun peut être dangereux. Dans la
culture française, nous avons eu la chance d’aimer les débats animés qui montrent qu’il n’est pas obligatoire de penser la même chose ! Cela développe un esprit critique et un esprit
d’ouverture.
2.
A l’aube des temps modernes, pour éviter les
conflits religieux, l’Europe a inventé la théorie « cujus regio, ejus religio» (« tel prince, telle religion »), donnant aux Etats la charge de la paix idéologique. Lorsque la pluralité d’opinions a
été finalement acceptée, cette théorie a pu conduire à faire de la
laïcité une
religion.
La laïcité est parfois vécue comme une
religion qu’on veut imposer à tout le monde
Historiquement, c’est le traité de Westphalie qui a promu cette idée que chaque pays devait avoir la
religion de son chef (ou parfois le contraire comme cela a pu se passer peut-être pour Henri IV). C’est dans ce contexte que la philosophie des Lumières a porté une laïcité que beaucoup ont
voulu, dans le même élan, imposer comme la religion du prince. Une nouvelle religion, qu’on devrait imposer à tout le monde, comme avant. On est dans ce cas assez loin d’un concept de laïcité
bien vécu qui doit reposer sur deux principes : la neutralité de l’Etat et la possibilité pour chacun de penser ce qu’il veut, à condition de respecter la liberté de l’autre. Ces principes
sont importants, mais fondamentalement, la laïcité ne peut marcher que si elle repose sur la fraternité.
3.
La foi est l’humble recherche de Dieu à la
suite d’Abraham. Elle fait du croyant un nomade, comme un étranger dans son propre pays, solidaire de tous ceux qui cherchent Dieu comme lui. Il les reconnaît comme créés par Dieu et sait
discerner en eux des frères. La foi chrétienne appelle à regarder le Christ en Croix. Elle veut faire connaître à tous celui qu’elle considère être comme le Chemin. Mais c’est en parlant au cœur,
alors qu’il n’a plus aucun pouvoir - et qu’il n’en revendique aucun - que, de sa Croix, il attire l’humanité. L’amour seul est digne de foi.
Comme chrétiens « toute terre étrangère
nous est une patrie, et toute patrie une terre étrangère » comme le dit l’auteur de la lettre à Diognète
Étymologiquement, la paroisse est un lieu pour les étrangers. Les chrétiens ont conscience d’être des passants sur cette terre. On pourrait caricaturer en
résumant la logique communiste : « c’est à tous, c’est pour tous », la logique libérale : « c’est à moi, c’est pour moi » et la logique chrétienne « c’est à moi,
c’est pour tous ». La conviction que nous sommes de passage, « in via », est fondamentale pour les chrétiens et elle détermine une manière d’être et un rapport au
monde.
Toute loi est liée à un territoire, sauf la
loi de l’amour
Il faut mettre en avant cette grande opposition entre la loi, qui est toujours liée à un pays, un
groupe, un territoire, et la loi de l‘amour, qui par définition n’a pas de frontière. En tant que chrétiens, nous n’avons plus de territoire à défendre et nous savons que nous ne pouvons faire
société que si nous arrivons à ouvrir notre cœur pour rejoindre les autres.
4.
De tout temps, les hommes sont en conflit et de tout temps, ils ont cherché à sacraliser leurs conflits en disant : « Dieu est avec nous ». Les hommes et les femmes de l’Évangile ne peuvent au contraire que chercher à désacraliser les conflits et inviter à l’intelligence et au courage humains pour les résoudre. Le Christ invite à aimer ses ennemis. La fin du conflit Est-Ouest a été suivie de beaucoup de conflits interethniques, qui se sont servis du religieux pour s’opposer « aux autres ». La religion a été utilisée comme substitut du sentiment nationaliste et a pu inspirer des invitations au sacrifice.
Les hommes de guerre sont toujours portés à
instrumentaliser Dieu
D’une certaine manière, toute guerre est religieuse. Car on ne tue pas sans sacraliser une cause :
pour tuer, il faut une cause plus importante que la vie. On le voit tous les jours, dans toutes les guerres. Saddam Hussein, appartenant à un parti neutre et laïc veut faire la guerre ? On
le voit soudain à la mosquée ! Les gens se servent de Dieu pour tuer, mais c’est une instrumentalisation mensongère. La religion peut être tentée de faire suivre cette pente. Mais le Christ
dégonfle absolument cela : il admet qu’il puisse y avoir des conflits, mais que la vie est toujours première. René Girard parlait du Christ comme du bouc émissaire dont l’innocence arrête la
spirale de la violence.
Paradoxalement, ceux qui utilisent aujourd’hui
la religion pour tenter d’accéder au pouvoir sont inscrits dans une logique d’assimilation
Aujourd’hui en France on peut penser que des gens, pour participer à la vie sociale, et acquérir du
pouvoir de manière démocratique, cherchent à utiliser le religieux comme une arme, mais plus les barbes s’allongent, plus les djellabas s’opacifient, plus les voiles se multiplient, plus ils
montrent finalement à quel point ils ont compris les mécanismes de la société française et plus ils sont, d’une certaine manière, en train de s’assimiler. Devenus Français de l’intérieur, ils
adoptent les modes français de conquête d’une place dans la société. Jamais leurs parents n’auraient osé faire cela. Leurs parents étaient en retrait de la société française, dans une logique qui
n’était pas celle de la participation. Le monde ouvrier a agi de même en utilisant la lutte des classes. Lorsque le monde ouvrier a été en mesure d’entrer dans le système, de faire entendre sa
voix, de jouer sur les rapports de force de la société moderne, il s’est assimilé. Certains pensent trouver les armes pour se faire entendre et alors que leurs parents ne cherchaient pas le
pouvoir, ils cherchent à être intégrés et à avoir une influence sur la société.
d'après Monseigneur Michel Dubost - aleteia.org
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